MiCA : La France, l'Autriche et l'Italie Sonnent l'Alarme sur la Régulation Crypto en Europe
Le règlement MiCA devait être le triomphe de l'Europe : le premier cadre réglementaire complet au monde, créant un marché unique et sécurisé pour les crypto-actifs. Mais moins d'un an après son entrée en vigueur, des fissures apparaissent déjà dans l'édifice. Dans une démarche sans précédent, la France, l'Autriche et l'Italie viennent de tirer la sonnette d'alarme, dénonçant une application à plusieurs vitesses qui menace tout le projet.
Au cœur de leurs craintes : le "shopping réglementaire", une pratique où les géants de la crypto choisissent les pays les moins stricts pour obtenir leur licence européenne. Face à ce risque, les trois pays ont mis sur la table un plan de bataille pour renforcer la surveillance, avec une menace française qualifiée d'"arme atomique" pour le marché.
Décryptage d'une lutte de pouvoir qui décidera de l'avenir de la crypto en Europe.
Le Problème : Quand "Marché Unique" Rime avec "Passoire"
Depuis que MiCA est pleinement actif, le 30 décembre 2024, les régulateurs français (AMF), autrichien (FMA) et italien (Consob) ont observé un phénomène inquiétant. Chaque pays interprète et applique les règles avec un niveau de rigueur différent.
Ce déséquilibre a créé un appel d'air pour le "shopping réglementaire" : les plateformes crypto choisissent stratégiquement d'établir leur siège européen dans les juridictions perçues comme plus clémentes pour obtenir le précieux "passeport" qui leur ouvre les portes des 27 pays de l'UE.
Le cas de Malte a cristallisé ces tensions. En juillet 2025, une évaluation de l'autorité de surveillance européenne (ESMA) a critiqué le régulateur maltais pour avoir accordé une licence alors que des "questions importantes" sur les risques n'étaient pas résolues. Or, Malte héberge aujourd'hui des acteurs majeurs comme OKX, Crypto.com et Gemini. La situation est si préoccupante que la présidente de l'AMF, Marie-Anne Barbat-Layani, a affirmé que bloquer l'accès au marché français pour ces acteurs serait une "arme atomique", un terme qui en dit long sur la gravité du problème.
Le Plan de Bataille : 4 Mesures pour un Bouclier Européen
Pour contrer cette fragmentation, le trio franco-austro-italien a proposé un plan d'action en quatre points, visant à centraliser et harmoniser la surveillance.
- Un Seul Arbitre pour les Plus Gros Joueurs .La proposition phare est de confier la supervision directe des plus grandes plateformes (celles qui gèrent 90% des volumes) à l'ESMA, l'autorité européenne. Le but est simple : s'assurer que les règles du jeu soient identiques pour tous les géants du secteur, peu importe où ils ont planté leur drapeau.
- Des Audits de Cybersécurité Obligatoires . Face aux hacks à répétition, les régulateurs demandent des audits de sécurité informatique indépendants et obligatoires avant l'octroi de toute licence. Il s'agit de vérifier que la forteresse est solide avant de laisser les épargnants y déposer leur argent.
- Mettre Fin aux Échappatoires Offshore . Les trois pays veulent interdire une pratique opaque où des intermédiaires basés en Europe envoient les ordres de leurs clients vers des plateformes offshore, hors de portée de MiCA. Cette manœuvre prive les investisseurs de toute protection et crée une concurrence déloyale.
- Centraliser les Documents Techniques . Une mesure plus technique mais essentielle : créer un guichet unique européen pour le dépôt des "livres blancs" (les documents de présentation des projets). Cela garantirait une information uniforme et simplifierait la vie des entreprises sérieuses.
Le Paysage Actuel : Qui est Conforme, Qui est sur la Touche ?
Depuis janvier 2025, le paysage réglementaire a rapidement évolué. 53 entreprises ont déjà obtenu leur licence MiCA, avec l'Allemagne (12) et les Pays-Bas (11) en tête. Des noms connus comme Coinbase, Kraken et Bitstamp sont désormais en conformité.
Cependant, deux absences sont notables :
- Tether (USDT), le plus grand stablecoin au monde, n'est toujours pas conforme aux exigences de réserves de MiCA.
- Binance, la plus grande plateforme d'échange, reste sous le coup d'une enquête en France et n'a pas encore obtenu sa licence.
Conclusion : L'Europe à la Croisée des Chemins
L'initiative de la France, de l'Autriche et de l'Italie est un signal fort : l'Europe ne laissera pas son projet de régulation crypto être vidé de sa substance. Leur objectif n'est pas de freiner l'innovation, mais de garantir que la promesse de MiCA – un marché unique, sûr et équitable – devienne une réalité.
La menace de la France de fragmenter le marché, bien que radicale, montre à quel point l'enjeu est élevé. La révision du règlement prévue en septembre 2025 sera un moment de vérité. Les propositions des trois pays seront-elles entendues ? L'Europe réussira-t-elle à parler d'une seule voix ?
La réponse à ces questions déterminera si l'Union européenne peut rester un leader mondial de la régulation crypto, en protégeant ses citoyens sans étouffer l'une des plus grandes révolutions technologiques de notre époque.