Pourquoi cet article ? Un an après la remise du rapport Draghi à Ursula von der Leyen, l’Europe est à la croisée des chemins : saura-t-elle mettre en œuvre les recommandations ambitieuses de l’ex-président de la BCE pour enrayer son décrochage économique ? Faisons le point sur ses propositions, les chantiers ouverts… et les résistances persistantes.
Un Diagnostic Sans Détour : Le Risque d’une “Lente Agonie” Européenne
Remis en septembre 2024, le rapport Draghi est un choc salutaire. Il constate que l’UE accuse un retard croissant sur les États-Unis et la Chine : le PIB européen n’a crû que de 4,8% depuis 2019, contre 10,7% pour les États-Unis, la France étant même en dessous (3,7%). Draghi pointe la stagnation de la productivité, surtout technologique.
Trois Piliers d’Actions Pour (Re)devenir Puissante
- Innovation et Technologie
- Doubler le budget Recherche & Innovation (200 Mds € sur 7 ans), créer une agence européenne d’innovation de rupture.
- Statut européen d’“entreprise innovante” et investissement massif dans l’IA, l’automobile, l’énergie, la santé.
- Décarbonation & Compétitivité
- Réformer le marché de l’électricité.
- Découpler la rémunération des renouvelables et nucléaire du gaz ou pétrole.
- Plan commun pour soutenir à la fois l’écologie ET la compétitivité industrielle .
- Souveraineté et Sécurité
- Sécuriser l’accès aux matières premières critiques.
- Renforcer la défense européenne.
- Créer des chaînes d’approvisionnement indépendantes[2][6].
Un Financement Chiffré, mais Politiquement Délicat
Le rapport chiffre les besoins supplémentaires à 750 à 800 milliards d’euros/an, soit 5% du PIB, niveau des plans Marshall d’après-guerre, à assurer notamment par des emprunts communs européens. L’Allemagne reste opposée à cet endettement partagé, freinant le projet malgré le précédent du plan de relance post-Covid.
Lagarde Maintient la Pression Depuis Francfort
Un an après, la présidente de la BCE Christine Lagarde martèle qu’il est “essentiel de donner suite aux recommandations Draghi”, plaidant pour :
- Des réformes structurelles et investissements stratégiques
- L’union bancaire et celle des marchés de capitaux (mobiliser les 23 000 milliards € d’épargne des ménages européens !)
- L’accélération de l’euro numérique pour préserver la souveraineté monétaire face aux big tech US.
Où ça bloque ? Obstacles et Résistances
- Blocages nationaux : Lendemain d’élections françaises, instabilité à Paris, opposition allemande à la dette commune.
- Complexité réglementaire : 170 propositions, presque toutes demandant des révisions institutionnelles ou du droit européen.
- Compétition réglementaire : Les États-Unis ou la Chine privilégient l’innovation, l’UE la réglementation, ce qui pousse parfois startups et experts à s’en aller.
- Marchés de capitaux fragmentés : L’UE reste loin derrière Wall Street, limitant la capacité à financer de grands leaders technologiques.
Un Momentum Politiquement Fragile
Si la Commission européenne a repris dans sa “Boussole pour la Compétitivité” plusieurs points du rapport Draghi début 2025, beaucoup reste à faire pour passer du constat à l’action. Draghi lui-même, relayé par des économistes comme Thomas Piketty, alerte : “Si l’Europe n’agit pas vite, elle paiera son immobilisme d’une lente agonie”.
Conclusion : Une Dernière Fenêtre Avant l’Irréversible ?
La transformation proposée par Draghi — union des marchés, investissement massif, politique industrielle ambitieuse — reste possible. Mais elle exige un portage politique fort et une solidarité financière intra-européenne qui font encore défaut aujourd’hui. Pour l’instant, l’Europe demeure sous la menace d’un décrochage irréversible… À suivre de près.